LEIBNIZ A-T-IL“INTELLECTUALISÉ LES PHÉNOMÈNES” ? ELÉMENTS POUR L’HISTOIRED’UNEMÉPRISE
DOI:
https://doi.org/10.36311/2318-0501.2016.v4n2.04.p19Abstract
« D’un mot : Leibniz intellectualisait les phénomènes » (KrV, B 327).
Telle est la formule dans laquelle Kant concentre la caractérisation de la philosophie de Leibniz comme la construction d’un « système intellectuel du monde » (KrV, B 326). Les substances simples ou monades sont les éléments de ce monde intelligible, les choses mêmes y sont des « substances intelligibles (substantiae noumena » (KrV, B 332), qui ne peuvent être connues que par la pensée d’un entendement pur, sans aucune référence sensible. Cette fiction métaphysique résulte selon Kant du traitement réservé par Leibniz à la sensibilité, qu’il n’aurait pas reconnue comme une source originelle et nécessaire de toute connaissance. Selon Kant, comme on sait, sensibilité et entendement sont « deux souches de la connaissance humaine […] par la première desquelles des objets nous sont donnés, alors que par la deuxième ils sont pensés » (KrV, B 29). La sensibilité est une réceptivité de l’esprit ; l’entendement un pouvoir de spontanéité. D’autre part, la sensibilité fournit des représentations qui sont des intuitions, c’est-à-dire des représentations immédiates et singulières de leur objet ; l’entendement produit des concepts, ou représentations médiates et générales de leurs objets. « Pour nous hommes », il n’y a pas d’autre intuition que sensible. La conséquence, résultat principal de toute la Critique, en est que « entendement et sensibilité ne peuvent en nous déterminer des objets que par leur liaison. Si nous les séparons, nous obtenons des intuitions sans concepts ou des concepts sans intuition, mais dans les deux cas des représentations que nous ne pouvons référer à aucun objet » (KrV, B 314).